Le statut de l'huissier de justice belge
Extraits du Code judiciaire
Art. 510. [1 § 1er. Chaque année, le Roi nomme un nombre déterminé de candidats-huissiers de justice.
§ 2. Après avoir recueilli l'avis de la Chambre nationale des huissiers de justice, le Roi arrête chaque année le nombre, par rôle linguistique, de candidats-huissiers de justice à nommer. Ce nombre est fixé par le Roi en fonction du nombre d'huissiers de justice titulaires à nommer, du nombre de lauréats de sessions précédentes qui n'ont pas encore été nommés et du besoin en candidats-huissiers de justice supplémentaires. Le rôle linguistique est déterminé par la langue du diplôme.
L'arrêté royal pris en vertu de l'alinéa 1er ainsi qu'un appel aux candidats sont publiés chaque année au Moniteur belge.
§ 3. Pour pouvoir être nommé candidat-huissier de justice, l'intéressé doit :
1° être porteur d'un diplôme de docteur, de licencié ou de master en droit;
2° pouvoir produire un extrait du casier judiciaire dont la date est postérieure à la publication de l'appel aux candidats visé au § 2, alinéa 2;
3° être Belge et jouir des droits civils et politiques;
4° être porteur du certificat de stage prévu à l'article 511;
5° figurer sur la liste définitive visée à l'article 513, § 5.]1
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(1)<L 2014-01-07/06, art. 2, 178; En vigueur : 01-02-2014>
Art. 519.[1 § 1er. Les huissiers de justice sont chargés de missions pour lesquelles ils sont seuls compétents et par rapport auxquelles ils sont tenus d'exercer leur ministère.
Ces missions sont :
1° dresser et signifier tous exploits et mettre à exécution les décisions de justice ainsi que tous les actes ou titres en forme exécutoire;
[2 1° bis. Le recouvrement des dettes d'argent non contestées conformément au chapitre Iquinquies du titre 1er de la cinquième partie;]2
2° effectuer, à la requête de magistrats, et à la requête de particuliers des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les causes et les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter, ainsi que les constatations que nécessitent les missions légales qu'ils accomplissent; ces constatations sont authentiques en ce qui concerne les faits et données matériels que l'huissier de justice peut constater par perception sensorielle;
3° dresser un protêt contre une lettre de change, un billet à ordre et un chèque bancaire;
4° la vente publique judiciaire de biens mobiliers et de navires dans le cadre de l'exécution forcée;
5° la vente judiciaire à l'amiable de biens mobiliers conformément à l'article 1526bis;
6° les ventes publiques volontaires de biens mobiliers, monopole qu'ils partagent avec les notaires;
7° prendre connaissance des avis d'opposition, commandement, saisie, délégation, cession, règlement collectif de dette et protêt, monopole qu'ils partagent avec les personnes mentionnées à l'article 1391, § 1er;
8° déposer, supprimer et modifier les avis d'opposition, commandement, saisie, délégation, cession, règlement collectif de dette et protêt dans les missions qui leur ont été confiées ou dans lesquelles ils ont été nommés.
§ 2. Les huissiers de justice ont des compétences résiduelles pour lesquelles ils n'ont pas de monopole ni d'obligation d'exercer leur ministère et, notamment :
1° lever au greffe les expéditions, les copies et les extraits de toutes pièces de procès et introduire les requêtes que la loi leur permet de signer, ainsi que déposer au greffe toutes autres requêtes;
2° attester la conformité de copies et de traductions de documents en leur possession;
3° rédiger des extraits de tous les actes émanant de leur ministère;
4° intervenir en tant que séquestre;
5° assurer le recouvrement de dettes à l'amiable;
6° intervenir en tant que liquidateur;
7° être commis en tant que médiateur d'entreprise ou mandataire de justice dans le cadre de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises;
8° exercer le mandat judiciaire d'administrateur provisoire;
9° procéder aux prisées de meubles et effets mobiliers et fournir une assistance aux curateurs en ce qui concerne l'inventaire et la réalisation de la faillite;
10° intervenir en tant que médiateur de dettes à l'amiable et en tant que médiateur de dettes dans le cadre du règlement collectif de dettes;
11° intervenir en tant que médiateur en matière familiale et en tant que médiateur dans le cadre du règlement alternatif de litiges;
12° intervenir en tant que curateur de successions vacantes;
13° rendre des avis juridiques concernant les droits, les obligations et les charges qui découlent des actes juridiques auxquels participent des huissiers de justice;
14° effectuer des enquêtes sur la solvabilité, établir et délivrer des rapports sur le patrimoine;
15° délivrer des attestations fiscales concernant les créances irrécouvrables;
16° surveiller les loteries et concours autorisés.
§ 3. L'huissier de justice a un devoir d'information général envers son requérant et envers le débiteur. C'est ainsi qu'en cas de risque d'insolvabilité du débiteur, il en informera le créancier afin de permettre à ce dernier d'apprécier correctement l'opportunité de faire procéder à des mesures d'exécution et il informera le débiteur des possibilités qu'offre le règlement collectif de dettes.
L'huissier de justice informe, le cas échéant, chaque requérant des obligations et des charges ainsi que des frais qui découlent des exploits, des exécutions de décisions judiciaires, des actes ou titres.]1
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(1)<L 2014-01-07/06, art. 2, 178; En vigueur : 01-02-2014>
(2)<L 2015-10-19/01, art. 9, 199; En vigueur : 02-07-2016 (AR 2016-06-16/04, art. 8)>
Arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 2011. Extrait des conclusions de l'avocat général.
"(...) L'huissier de justice est un officier ministériel et public chargé, en tant qu'auxiliaire de justice, de fonctions publiques ayant pour objet l'introduction du procès, (parfois) l'instruction de celui-ci et surtout l'exécution des titres. Il est un officier ministériel , car il est titulaire d'un office rattaché à l'administration de la justice, c'est-à-dire d'une charge qui donne à son titulaire le droit viager d'exercer exclusivement des fonctions indépendantes en vertu d'une investiture de l'autorité publique. Il est un officier public, car il constate par des écrits authentiques l'accomplissement de formalités indispensables au bon fonctionnement de l'administration de la justice [6].
L'investiture de l'huissier de justice, les droits et les obligations de sa charge, les sanctions qui assurent l'accomplissement correct de son office traduisent le caractère public de la responsabilité exercée [7]. L'huissier de justice est nommé par le Roi sur proposition du ministre de la Justice (articles 509 et 512, § 4, C. jud.). Lorsqu'il prête serment, l'huissier de justice jure fidélité au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du peuple belge, ainsi que de se conformer aux lois et règlements concernant son ministère et de remplir ses fonctions avec exactitude et probité (article 514, C. jud.).
La rémunération des actes accomplis par l'huissier de justice dans l'exercice de son office public ou dans les limites de ses attributions légales prend la forme, non pas d'honoraires, mais d'émoluments prévus dans les tarifs établis par le Roi [8].
La continuité obligatoire du service et de l'étude de l'huissier est assurée par un système particulier de suppléance obligatoire dont les conditions, les modalités de règlement, les conséquences sont réglées par les articles 524 à 530 du Code judiciaire [9]. Le principe est que l'huissier de justice a l'obligation d'instrumenter toutes les fois qu'il en est requis. Il doit dès lors veiller à la continuité de son étude. Ainsi, lorsqu'il prend des congés ou est temporairement empêché, il est tenu de se faire remplacer par un confrère ou un huissier de justice suppléant (article 524, C. jud.).
L'huissier de justice exerce sa profession sous la surveillance du ministère public [10]. Il s'agit d'un contrôle indispensable en raison de la fonction de service public assumée par l'huissier [11].
À raison de sa qualité, l'huissier de justice a le droit de requérir, au besoin, l'assistance de la force publique [12]. Il exerce donc un pouvoir de commandement ou de contrainte. En ce sens, il exerce une fonction publique puisque, en vertu de la loi, il a le pouvoir d'exécuter, par voie de contrainte, les mandats de justice et les jugements et exerce une portion de la puissance publique [13].
Du caractère public de la fonction, il résulte que toute résistance par la force, toute injure proférée contre l'huissier dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa fonction sont constitutives d'outrage ou de rébellion visés à l'article 269 du Code pénal [14].
Pour l'accomplissement de certains actes, les huissiers de justice disposent d'une situation de monopole légal. Aux termes de l'article 516, alinéa 1 er, sauf dispositions légales contraires, seuls les huissiers de justice sont compétents pour dresser et signifier tous exploits et mettre à exécution les décisions de justice ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire. Lorsque l'huissier est chargé de signifier un exploit à la demande d'une personne, on considère que l'huissier agit comme mandataire de celle-ci [15].
Si, en règle, le justiciable est libre de choisir son huissier de justice (du moins l'étude), son choix est cependant limité aux huissiers de justice compétents nommés par le Roi.(...)."
[6] Voy. G. de Leval, Institutions judiciaires - Introduction au droit judiciaire privé , Liège, éd. Collection scientifique de la Faculté de droit de Liège, 1992, pp. 362 et 363; G. de Leval et F. Georges, Précis de droit judiciaire, t. 1, Les institutions judiciaires : organisation et éléments de compétence , Bruxelles, Larcier, 2010, p. 269."
[7]C. Cambier, Droit judiciaire civil, coll. Précis de la Faculté de droit de l'U.C.L., 1974, t. I, p. 670.
[8] Article 519 du Code judiciaire; voy. C. Cambier, op. cit., p. 672 et G. de Leval, op. cit., p. 381.
[9] Voy. C. Cambier, op. cit, p. 673.
[10] Voy. notamment les articles 139, 148, 532, 542, 548, 555 et 1396 du Code judiciaire.
[11] G. de Leval, op. cit., p. 363.
[12] R.P.D.B., t. VI, vo « Huissier », p. 225, no 34.
[13] Voy. G. de Leval, op. cit, p. 364, note no 10.
[14] R.P.D.B., t. VI, vo « Huissier », p. 225, no 33.
[15] Voy. G. de Leval, op. cit., p. 376.
Jus est ars boni et aequi
Le droit est l'art du bien et de l'équitable